Alors que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, le Gouvernement a proposé (puis passé au 49.3*) un projet de loi de financement de la Sécurité sociale décevant. De concert avec la Fédération des mutuelles de France, Mutami dénonce un budget bien en deçà des besoins des hôpitaux, des EHPAD, de la médecine de ville… et de l’inflation. Un budget jugé inacceptable face à la crise de l’accès à la santé.
À la fin, ce sont les assurés qui payent le prix fort.
« Ce qu’on ne dit pas aux citoyens, c’est qu’ils sont de nouveau les premiers à faire les frais de ce projet de loi », explique Jocelyne Le Roux, présidente de Mutami. En effet, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit un transfert de charge de la Sécurité sociale vers les complémentaires santé à hauteur de 300 millions d’euros en année pleine.
[Transfert de charge : le transfert d’une dépense d’un acteur vers un autre. Par exemple, le 100 % Santé, que nous préférons appeler Reste à Charge 0, donne l’impression que la Sécurité sociale rembourse mieux les soins optiques ou dentaires, alors qu’en réalité, ce sont les mutuelles qui remboursent la majeure partie des soins.]
« En prévoyant d’augmenter les charges des organismes complémentaires d’Assurance maladie, le Gouvernement augmente en réalité les charges des citoyens » continue la présidente de Mutami. En effet, les mutuelles financent le remboursement des prestations avec les cotisations de leurs adhérents.
« Leur imposer la prise en charge de plus de prestations, c’est les pousser à en demander plus aux adhérents. Et le pire dans tout ça, c’est qu’on ne peut pas garantir un accès aux soins de qualité, quand on voit la situation de l’hôpital public. » déplore-t-elle.
Ces débats ne sont pas une querelle entre l’État et les complémentaires santé. Ce sont de véritables sujets de société, de dignité et de pouvoir d’achat. Ils touchent au portefeuille et aux conditions de vie de tous les citoyens.
La santé n’est pas un bien, la santé est un droit.
Rappelons qu’en 20 ans, les taxes sur les complémentaires santé ont augmenté de plus de 650% (source : Mutualité Française, 2020). Elles représentent aujourd’hui l’équivalent de près de deux mois de cotisation. Un poids lourd pour les adhérents et un frein pour celles et ceux qui ne peuvent bénéficier d’un contrat collectif (chômeurs, étudiants, retraités…).
Mutami défend, au côté des Mutuelles de France, la suppression des taxes sur les cotisations mutualistes. En plus de peser sur l’accès aux soins et le pouvoir d’achat, elles catégorisent la santé et la protection sociale comme de simples marchandises.
« Or ce sont bien des droits inscrits dans la Constitution ! » poursuit Jocelyne Le Roux. « La suppression des taxes est nécessaire. Eric Chenut, président de la Mutualité Française, a souligné avec justesse l’absurdité de la situation. Aujourd’hui, en France, un hamburger est moins taxé qu’une complémentaire santé. Nous demandons au Gouvernement un premier pas, au moins par le rééquilibrage de la fiscalité au même niveau que sur les biens et services essentiels ».
Le PLFSS, qu’est-ce que c’est ?
[PLFSS = Projet de loi de financement de la Sécurité sociale]
Le PLFSS est un texte annuel qui prévoit le budget de la Sécurité sociale pour l’année suivante.
Le PLFSS a deux objectifs :
- Maîtriser les dépenses de la Sécurité sociale ;
- Fixer des objectifs en matière de santé publique.
Pour cela, il prévoit un budget – financé à 80 % par les rémunérations diverses des citoyens – et donne les grandes lignes de sa répartition. Les principales sources de financement de la Sécurité sociale sont : les cotisations sociales et patronales, les impôts, les taxes et la Contribution Sociale Généralisée (CSG). Plus d’infos ici.
La Sécurité sociale est, depuis sa création, un objectif politique ambitieux : que chaque citoyen puisse être protégé face à tous les aléas de la vie et donc « débarrassé […] de la hantise du lendemain », pour reprendre les mots de Pierre Laroque, 1er directeur général de la Sécurité sociale.
Les budgets, ce ne sont rien d’autres que des choix politiques.
Quand le Gouvernement détermine un budget, il fait un double choix politique : qui finance quoi.
Le « qui » fait référence aux sources de financement des services publics. Autrement dit, les règles de taxation, d’imposition et de cotisation. En supprimant l’impôt sur la fortune (ISF), par exemple, Emmanuel Macron a fait un choix politique : celui de réduire les sources de financement du service public et faire porter son coût à d’autres franges de la population. En France, ce sont les classes moyennes qui ont le plus fort taux global d’imposition (impôts, taxes et cotisations confondues).
Le quoi désigne la répartition de ces ressources. En 2022, l’État a priorisé ses dépenses dans les remboursements de ses dettes, l’Éducation nationale et la sécurité.
Le PLFSS proposé met ainsi en lumière les choix politiques du Gouvernement actuel.
Les citoyens peuvent faire bouger les choses.
« Notre Sécurité sociale est issue du mouvement social, et c’est le mouvement social qui la défendra » proclame Sophie ELORRI. Mutami en a toujours fait partie par son engagement quotidien pour l’accès aux soins, ses actions de plaidoyer auprès des députés et élus locaux et l’ensemble des actions de solidarité qu’elle soutient. Le projet de la mutuelle n’a pas changé depuis sa création et il rejoint celui de la Sécurité sociale exposé par Ambroise Croizat en 1946 : « assurer le bien-être de tous, de la naissance à la mort. De faire enfin de la vie autre chose qu’une charge ou un calvaire […] ».
« Mutami est une mutuelle engagée et militante. Nos adhérents s’investissent dans les comités territoriaux et permettent de faire bouger les choses localement, dans leur région. Pour nous, tout commence par la proximité, le Gouvernement étouffe les débats avec le 49.3 mais les actions locales continuent ! »
Parmi leurs actions, les comités territoriaux de la mutuelle interpellent les collectivités. Comme ce sont elles qui financent en partie les salaires en EHPAD, elles ont un rôle à jouer dans le maintien de la dignité de nos aînés.
Voir la Sécu comme un « trou » déresponsabilise les décideurs.
« Depuis plus de 30 ans, on nous fait peur avec le « trou de la Sécu » et cette expression nous empêche de voir le vrai processus à l’œuvre, explique Sophie Elorri, présidente déléguée de Mutami. Chaque année, le Gouvernement détermine un objectif indicatif de dépenses pour la Sécurité Sociale (l’ONDAM). »
[ONDAM : Objectif national de dépense d’Assurance maladie]
Chaque année, il s’avère que les dépenses réelles sont supérieures à l’objectif fixé. « On ne peut pas d’un côté constater que la population vieillit, que les maladies chroniques se multiplient et que le coût des médicaments et du matériel médical augmente à cause de l’inflation, et de l’autre fixer un objectif qui ne prenne pas ces constats en compte, précise Sophie Elorri. Il n’y a de trou que parce que l’ONDAM est inférieur aux besoins réels. Le trou de la Sécu ne vient pas d’un mésusage ou d’un abus des soins. Cette image mensongère fait porter la culpabilité du déficit aux contribuables et aux soignants ! En réalité, ce « trou » vient de budgets irréalistes, qui ne prennent en compte ni l’inflation ni les besoins réels de la population. Si le PLFSS est adopté en l’état, cette situation va perdurer en 2023. »
*L’article 49.3 de la Constitution française permet au gouvernement d’engager sa responsabilité sur un projet de loi et de l’adopter sans passer par un vote du Parlement.
Source : Mutualité Française